Dans notre société chaque jour plus agitée et orientée vers le productivisme, il importe plus que jamais de réintroniser suffisamment de sérénité pour permettre un ressourcement salvateur et précieux.
En effet, l’activité psycho-mentale s’érige tel un rempart contre un état des plus profitables pour notre condition. Aussi allons-nous tâcher de décrire avec justesse comment y travailler.
On pourra différencier la méditation active de la méditation passive, la première étant simplement la résolution de maintenir un état méditatif durant les activités quotidiennes.
Le souffle, c’est la vie. Le mouvement également, que ce soit pour le corps ou pour le mental. Vous relèverez que je n’ai pas employé le terme d’esprit, dans la mesure où l’esprit est l’objectif caché et recouvert par le mental et son activité. En somme, cette agitation entrave l’unité que l’on souhaite retrouver en nourrissant la division et la dispersion. Pire encore, penser continuellement nourrit la plupart du temps la sources de nos problèmes et des inquiétudes qu’ils génèrent.
Être présent à soi signifie en premier lieu d’être présent à notre souffle, notre respiration. Inversement, respirer mécaniquement et inconsciemment nous perd dans les méandres de la vie. Le premier travail spirituel consiste à s’asseoir et porter attention à sa respiration.
Votre résolution à pratiquer chaque jour s’avérera fondamentale. Plus vous pratiquerez, plus la sérénité s’installera en vous et vous offrira la possibilité de vous rapprocher de l’esprit. Pour ne pas dire de l’essence divine. C’est un parcours long sur lequel il faut persister, car cette pratique ancestrale est l’une des plus vertueuses qui soit.
Il importe de bien « respirer avec le ventre », car trop souvent la respiration d’une vie stressée se cantonne à la partie thoracique, alors que respirer correctement (gonfler le ventre à l’inspire, puis le torse) permettra d’optimiser les mouvements du diaphragme seuls capables de réguler toute notre biologie.
Photo : Taisen Deshimaru, maître zen de la tradition Soto
Dans un premier temps, chaque jour, durant 5 à 10 minutes, à chaque inspiration, pensez « j’inspire ». Pareillement, quand vous expirez, pensez « j’expire ». Si vous êtes plus sensitif que mental, ressentez plus simplement l’inspire et l’expire. Ce qui permettra de calmer l’activité psycho-mentale, si intense habituellement.
Dans un second temps, quand vous maîtriserez suffisamment la première étape, prenez soin de bien ressentir toutes les subtilités de votre respiration à chaque moment de son cycle, en veillant naturellement à ne pas y accoler d’interprétations mentales afin de tendre à tarir ce dialogue intérieur incessant du quotidien. Ressentez la texture de l’air, le son de l’air entrant et sortant de votre nez, le ressenti des poumons s’engorgeant puis s’en vidant. Les sensations dans votre corps, le brassage s’opérant dans la zone digestive, la détente, les différentes zones s’activer puis s’apaiser.
Nous arrivons maintenant à la troisième phase de ce voyage méditatif.
Comme nous l’évoquions plus haut, le souffle, la respiration sont synonymes de vie. De vie, mais aussi de mort. Biologiquement déjà, mais aussi spirituellement.
Symboliquement, fondamentalement, c’est l’inspiration qui est en premier lieu liée à la vie. A l’inverse, l’expiration est liée à la mort. Enfin, la pause respiratoire représente l’entre-deux.
Dans la cosmogonie hindoue, la Trimûrti (se traduisant par « trois formes » en sanskrit), désigne les dieux Brahmâ, le créateur, Vishnu, le conservateur et Shiva, le destructeur.
Cette Trinité symbolise ainsi les trois grands pouvoirs fondamentaux de la nature se manifestant dans le monde : la création, le maintien et la destruction.
Ces trois pouvoirs sont indissociables et se perpétuent indéfiniment. Les rishis enseignaient ainsi les secrets du souffle et de la respiration.
Le souffle est en lien avec la vie et avec l’âme. Par le prānayāma, les yogis parvenaient à ralentir le rythme de leur respiration, à la rétention du souffle, par la suspension de leur respiration.
Ils trouvaient de cette manière durant la nuit, une jouvence, une régénération surnaturelle qui leur permettaient de vivre particulièrement longtemps, sans pour autant voir leur corps stigmatisé par le temps, certains même longtemps après la survenance de leur mort, comme Paramahansa Yogananda.
Patañjali exposa que le prānayāma, la discipline du souffle, est un « refus » de respirer de manière arythmique, comme le commun des mortels et évoque l’« arrêt », la suspension de la respiration.
L’objectif initial du prānayāma demeure de rythmer aussi lentement que possible la respiration.
La respiration de l’homme profane est généralement arythmique et varie soit selon les circonstances, soit selon son état psycho-mental. Cette irrégularité produisant une dangereuse fluidité psychique et par conséquence l’instabilité et la dispersion de l’attention. On peut devenir attentif en s’y efforçant, par cette science du souffle.
Le Tao quant à lui, enseigne que pour affiner le moi, il convient que l’esprit et le souffle se portent réciproquement. Ce qui signifie que l’esprit soutient le souffle, et que le souffle soutien l’esprit. Ainsi parvient on à l’affinement du moi, autrement dit le rabotage de l’ego et son activité psycho-mentale. Par une pratique quotidienne, il importe de saisir le souffle avec l’esprit, et l’esprit avec le souffle, pour trouver ce vide, cette vacuité, qui sera suivie par un éveil des potentiels jusque-là entravé par la condition du moi et son activité égotique. Quand le moi disparaît, le Soi apparaît.
L’alchimie chinoise conseille de déglutir à la fin de l’inspire afin d’assimiler au mieux l’énergie dans la zone du hara.
Pour ainsi dire, il est question ici de sortir du rapport au temps, à la vie, à la mort. Cette une grande et belle exploration psychique et métaphysique.
En résumé, l’objectif et de ralentir et prolonger les cycles de notre respiration, en portant toute notre attention sur le souffle (qui est en lien avec l’âme), l’esprit vide et libre, tout en ressentant dans la chair, attentif aux sensations tangibles, ce qui permettra de s’aligner en harmonisant corps, âme et esprit.
L’alchimiste Patrick Burensteinas enseigne enfin, qu’il y a simplement trois choses à retenir : silencieux, immobile et aligné. Quand un moine zen médite, il devient un alchimiste, transformant le plomb en Or spirituel, n’opposant plus d’obstruction au passage de la lumière en lui. Car comme vous l’aurez peut-être compris, s’agiter, que ce soit physiquement, émotionnellement ou mentalement, « produit de l’ombre ».
Alors je vous souhaite à toutes et à tous d’exceller dans cette pratique sage et nourrissante pour l’âme, afin de transmuter les préoccupations de la vie en Or spirituel.
Bonne méditation. Bonne respiration.
Didier
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